"Le souvenir sera de meilleure qualité si nous avons une raison d'étudier, si nous aimons ce que nous étudions, si nous engageons pleinement notre personnalité au moment de l'apprentissage."
Clés pour la mémorisation: quand le cerveau dévoile ses secrets
Les avancées scientifiques en matière de neurobiologie ne sont pas encore bien connues du grand public tant elles sont récentes, et ce malgré l'effort parfois considérable des chercheurs pour synthétiser et communiquer leurs découvertes. En ce qui concerne l'étude du cerveau, les publications de Jean-Pierre Changeux, de Gerald Edelman, ou encore d'Antonio Damasio sont parmi les plus connues. Nous pouvons pourtant leur adjoindre l'excellent ouvrage de Larry Squire et Eric Kandel (1) qui présente les dernières théories permettant de comprendre la mémoire.
Mais avant d'extraire de ce livre quelques enseignements pertinents pour les étudiants, rappelons brièvement l'enjeu principal que représente la mémoire pour ces derniers. Le marquis de Vauvenargues, essayiste français du début du 18ème siècle, a sans doute atteint la clairvoyance lorsqu'il affirmait ceci:
"Le sot qui a beaucoup de mémoire est plein de pensées et de faits ; mais il ne sait pas en conclure : tout tient à cela."
De fait, à réduire son travail de mémorisation à du "par cœur", l'étudiant découvre tôt ou tard à ses dépends qu'il se situe à côté de ce que l'on attend de lui: faire grandir son intelligence pour la mettre au service des autres.
Lui manquera ce que l'on appelle couramment l'esprit de synthèse: cette capacité à conclure, c'est-à-dire à prendre le recul nécessaire pour capturer l'essentiel afin de pouvoir l'appliquer à des situations nouvelles. Pas question de laisser tomber les détails, bien au contraire: seul celui qui maîtrise le moindre pixel de son cours peut en donner une image satisfaisante!
Passons donc à présent à quelques leçons neuroscientifiques sur la mémoire, susceptibles de nous faire découvrir les comportements permettant de maximiser la rentabilité d'un travail d'encodage de l'information. Vous verrez, l'esprit de synthèse y est toujours présent! Relevons directement quelques indications livrées par Squire et Kandel dans leur compte rendu des bases moléculaires de la mémoire:
1. "L'apprentissage n'est jamais passif ou automatique", mais déterminé par un certain nombre de facteurs: "le nombre de répétitions, son importance, la façon dont nous pouvons l'organiser et le relier à nos connaissances antérieures, et le nombre de rappels de l'information après sa première présentation." (p. 131)
2. Une expérience réalisée sur deux groupes de personnes devant étudier une liste de 8 à 12 mots en se focalisant ou non sur leur signification montre que "le groupe qui a traité la signification se souvient de 2 à 3 fois plus de mots que celui qui a porté son attention sur la forme des lettres". Cette étude révèle "un principe fondamental et universel de l'apprentissage: "nous nous souvenons d'autant mieux que nous traitons un nouveau sujet en profondeur. Le souvenir sera de meilleure qualité si nous avons une raison d'étudier, si nous aimons ce que nous étudions, si nous engageons pleinement notre personnalité au moment de l'apprentissage." (p. 132). Chaque étudiant devrait inscrire cette phrase en grand en face de lui à l'endroit où il étudie... Le corollaire de ce principe est que si l'intérêt est dirigé dans une autre direction que celle de la matière étudiée, le pouvoir de mémorisation sera presque nul! "Au contraire, quand nous décidons de nous souvenir, quand l'apprentissage est intentionnel plutôt qu'incident, nous pouvons augmenter nos chances de former un souvenir robuste et durable en mettant en place des processus d'encodage élaborés lors de la tâche d'apprentissage." (p. 133)
3. "La récupération d'informations est mieux réussie quand le contexte et les indices présents au moment de l'apprentissage sont identiques au contexte et aux indices présents lors de la tentative de récupération. Ce principe peut être utilement appliqué pour se préparer à un examen oral: il est plus efficace d'expliquer à haute voix le contenu à quelqu'un plutôt que de le lire." (p. 139)
4. "Des études récentes ont montré que différents modules cérébraux sont impliqués dans le traitement et le stockage de diverses formes d'information. (...) L'apprentissage scolaire peut-il être amélioré en tirant parti de la nature modulaire du stockage mnésique?" Oui, "en favorisant la capacité des modules à travailler ensemble" : "l'apprentissage distribué (dans le temps) donne souvent lieu à un stockage à long terme plus efficace que l'apprentissage massé." (p. 383). Sachez donc vous y prendre à l'avance, et n'oubliez pas d'organiser comment vous allez distribuer (planifier) votre travail de mémorisation!
(1) L. Squire et E. Kandel, "La mémoire, de l'esprit aux molécules", 2005, Paris, Editions Flammarion.
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