jeudi 16 février 2012

Comment choisir vos études supérieures?

"On parle rarement de ces étudiants, victimes du préjugé selon lequel il faut mener des études supérieures à tout prix"

Quelles études supérieures ?
par Drieu Godefridi(*)

Le sujet est épineux en cela qu’il cristallise un grand nombre de préjugés et de malentendus. Ainsi la défiance à l’égard de la reproduction sociale est-elle si grande que toute analyse qui semble accréditer l’idée que « tout le monde n’est pas fait pour telles ou telles études » paraît suspecte. 
De plus, nombreux sont les individus à n’avoir pas fait d’études supérieures qui souffrent d’un complexe tout au long de leur existence. Enfin, pourquoi ne pas essayer ? Toutefois la question pourrait être mieux posée. 

L’alternative n’est pas entre les études supérieures et n’en pas mener, elle comporte trois branches : ne pas entamer d’études supérieurs, entamer des études supérieures et les réussir, entamer des études supérieures et échouer. On ne rate pas dans le supérieur comme on manque une correspondance : l’échec, dans le supérieur, se compte en années. 

Un nombre considérable de jeunes entament des études supérieures, échouent, persistent, manquent à nouveau, pour quitter le supérieur après deux, trois, voire cinq ans, sans le moindre diplôme. Nous avons connu tant d’étudiants qui n’étaient manifestement pas « faits » ­pour leurs études, mais qu’une série de facteurs — contrainte familiale, pression sociale, conviction personnelle de rater leur vie à défaut de décrocher le précieux diplôme — condamnaient à persister au delà du raisonnable. On parle rarement de ces étudiants, victimes du préjugé selon lequel il faut mener des études supérieures à tout prix. Ils sont pourtant des milliers à quitter, chaque année, nos systèmes d’enseignement, après le sacrifice coûteux (pour eux, leurs parents, la collectivité) de plusieurs années de leur vie.

Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler qu’il n’est pas nécessaire de décrocher un diplôme du supérieur pour réussir sa vie professionnelle et qu’être diplômé ne garantit nullement de briller au firmament de son métier. Le cofondateur de Microsoft, Bill Gates, n’a pas de diplôme universitaire : a-t-il, pour autant, raté sa carrière ? Steve Jobs, cofondateur de Apple, quittait l’université après six mois. On nous dira : ce sont des génies ! Peut-être (quoique ce soit discuté dans le cas du premier, que le second taxait de voleur d’idées sans imagination !), mais ils sont légion dans les affaires, le commerce, la politique, l’art et tant d’autres métiers au zénith de l’arc professionnel, à n’avoir pas accompli d’études supérieures. Notons, en outre, que des milliers d’étudiants sortent chaque année de nos universités avec un diplôme, certes, mais sans la moindre perspective professionnelle, ni même l’idée du métier qu’ils pourraient entreprendre.

Si vous n’entreprenez des études supérieures que par défaut, le risque est réel que votre parcours professionnel soit à l’avenant. Concevez également que, dans la grande majorité des hypothèses, des études menées par défaut et sans goût, si même vous les réussissez, vous conduiraient à des situations professionnelles médiocres dont, à l’heure de choisir vos études, vous ne désirez en aucune façon l’avènement. La décision d’entamer des études supérieures doit donc être mûrement réfléchie. En réalité, vous ne pourrez la prendre qu’après avoir répondu à une question, qui paraît logiquement seconde, alors qu’elle est en réalité préalable :

Quelles études supérieures ? On ne peut, en effet, répondre à la question de principe — dois-je, ou non, entamer des études supérieures ? — qu’après avoir examiné et exploré de manière approfondie, quoique nécessairement pointilliste, le champ des possibles. Face à cette nécessité du choix, la plupart des étudiants qui débutent des études supérieures optent, en réalité, par élimination. Certes, tout le monde n’a pas la chance d’être mû par une vocation qui l’entraîne irrésistiblement vers la philologie ou l’astrophysique, toutefois cette élimination ne constitue que la première étape de votre recherche. Prenons un exemple : vous considérez que vous n’avez pas d’affinités particulières avec les chiffres, excluez les sciences exactes, constatez votre manque de vocation pour l’enseignement, écartez tout ce qui possiblement s’y rapporte, êtes néanmoins désireux d’accomplir des études sérieuses vous ouvrant un large éventail de possibilités professionnelles... vous voilà étudiant en droit ! Mais avant de vous inscrire en droit, vous devriez, en fait vous devez si vous souhaitez poser un choix rationnel et éclairé, aller suivre quelques heures de cours en amphithéâtre, pour vous assurer que les rigueurs du droit romain, les ornements baroques de l’histoire juridique administrative et les équilibres délicats de la Constitution excitent votre appétit. Dans le cas contraire, il serait préférable de vous abstenir. À cette expérience in vivo, on ajoutera volontiers la sollicitation d’une personne fraîchement diplômée de ces études, qui pourra tout à la fois vous éclairer sur son vécu d’étudiant, et sur la concrétisation professionnelle de son parcours académique. Vous destinez-vous à l’exigeant métier d’avocat fiscaliste ? Décrochez votre téléphone, appelez une dizaine d’avocats fiscalistes. Sans doute certains refuseront-ils de vous répondre, d’autres fois serez-vous filtré par un service de secrétariat, mais vous finirez par entrer en rapport avec un avocat qui sera non seulement prêt, mais flatté de vous éclairer sur les réalités de sa profession ; ce qu’il sera mieux à même de faire que le plus professionnel des services de guidance. Osez ! Si l’un et l’autre — les études, le vécu professionnel — vous séduisent, il ne vous restera plus qu’à vous inscrire !

Dernière remarque : celle du rapport entre le choix d’étude et les débouchés professionnels. Comme le souligne Nathanaël Laurent, auteur de manuels de méthode de travail et organisateur de journées d'apprentissage de la méthode de travail chez Cogito, il faut prendre garde à ne pas choisir des études en ayant exclusivement égard aux débouchés professionnels. Il est, en effet, possible d’inventer son propre métier ; c’est l’une des définitions de l’entrepreneur. Mais on ne s’improvise que rarement entrepreneur, encore faut-il en avoir la vocation. Si c’est votre cas, optez pour des études qui vous doteront d’outils généralistes utiles dans la construction et le développement de votre activité (on songe bien sûr aux écoles de commerce, mais un master en informatique, ou en droit, vous serait également bien utile). À défaut de cette vocation, il ne serait pas raisonnable de ne tenir aucun compte des concrétisations professionnelles possibles des études entreprises. Vos études dureront, dans la meilleure des hypothèses, cinq ans ; votre carrière, huit à dix fois plus.

Concrètement, dans le choix de vos études supérieures, veillez à :

  • ne pas entamer des études supérieures seulement parce que le contexte social et familial vous y pousse
  • explorer largement le champ des possibles avant de choisir une filière
  • vous frotter aux réalités concrètes, si possible en amphithéâtre, de la faculté considérée échanger avec des personnes récemment diplômées de la faculté, sur leur vécu d’étude et leur réalité professionnelle.
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(*) Cofondateur de Cogito, D. Godefridi publie ces jours-ci Comment réussir vos études supérieures, chez Texquis, collection J'Assure.

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