lundi 30 janvier 2017

Peut-on prédire la réussite des étudiants?

"C’est seulement si les élèves participent à la fois avec leur corps et leur esprit que le temps passé en classe ou dans l’enseignement supérieur résultera en connaissances et performances." (S. Dupont, M. De Clercq & B. Galand)


Les prédicteurs les plus fiables de la réussite dans l'enseignement supérieur.

Dans un article publié récemment dans la Revue Française de Pédagogie (n°191, avril-mai-juin 2015), Serge Dupont, Mikaël De Clercq et Benoît Galand nous ont livré une étude très détaillée des facteurs liés à la réussite dans l'enseignement supérieur. Cette étude mérite toute notre attention et ses conclusions devraient être communiquées à tous les étudiants qui entament des études supérieures afin qu'ils prennent conscience des paramètres qui vont déterminer leur réussite et sur lesquels ils ont un réel pouvoir d'action.


Cette étude consistait plus précisément à faire la revue de la littérature internationale traitant des facteurs liés à la réussite. Pour ce faire, les auteurs n'ont pas hésité à consulter pas moins de 160 articles et livres! Au sein de cette source gigantesque d'informations, 4 méta-analyses récentes ont fait l'objet d'une attention toute particulière. Les résultats ont été comparés, en tenant bien entendu compte des méthodes utilisées et des limites inhérentes à ces dernières. 

Ce travail a ainsi permis aux auteurs de classer les facteurs pouvant influencer la réussite des étudiants en 4 catégories qui sont: 1) les caractéristiques d'entrée, 2) l’environnement social, 3) les croyances motivationnelles et 4) l’engagement. Les prédicteurs de réussite (ou d'échec) les plus distaux se trouvent dans la 1ère catégorie. Ils deviennent de plus en plus proximaux à mesure que l'on va vers la quatrième catégorie.

Ce sont les prédicteurs proximaux (croyances motivationnelles et engagement) qui doivent le plus attirer l'attention des étudiants, parce que c'est sur eux qu'ils peuvent exercer un réel pouvoir... c'est donc grâce aux prédicteurs proximaux qu'ils pourront mieux assurer leur réussite!



I. Les caractéristiques d'entrée

Il s'agit du bagage accompagnant chaque étudiant lorsqu'il rentre dans le parcours des études supérieures. On y retrouve une série de facteurs qui ne dépendent pas ou plus de son pouvoir d'agir actuel: 
son statut socioéconomique, ses performances passées, ses compétences intellectuelles, sa personnalité, son genre et son âgeL'influence de ces facteurs sur la réussite ou l'échec des étudiants fait débat et 2 écoles s'opposent à ce sujet en psychologie de l'éducation.

Retenons à titre d'information ce que les auteurs ont pu le mieux mettre en évidence, à savoir que le parcours scolaire antérieur et les capacités cognitives jouent un rôle plus important que la personnalité dans le processus menant à la réussite des études supérieures. Ainsi, ils concluent que ce sont - et par ordre d'importance - "les performances passées, les résultats obtenus aux tests d’admission (ou d’intelligence), ainsi que l’origine socioéconomique de l’étudiant qui sont des prédicteurs de la réussite".

II. L'environnement social


Les facteurs que l'on rencontre ici se rapportent aux différents acteurs sociaux qui sont présents dans la vie de l’étudiant: ses pairs, sa famille, les professeurs et l’institution de formation. A part en ce qui concerne le choix de la Haute Ecole ou l'Université dans laquelle il va se former, le pouvoir qu'exerce l'étudiant dans cette catégorie est à nouveau très faible.



Ici aussi 2 écoles s'opposent: celle qui voit dans l'individu autonome, indépendant, capable de puiser dans ses propres ressources, le modèle de l'étudiant performant; et celle qui au contraire lie la performance de l'étudiant aux caractéristiques de l'environnement dans lequel il évolue (un environnement composé de personnes qui l'accompagnent, le soutiennent et l'aide). Les recensions réalisées par les auteurs vont clairement dans le sens du second modèle: "l'entourage de l'étudiant, à travers des conseils, des aides formelles, de la sympathie, le stimule, lui apporte de la confiance et peut l’aider à réussir". 



Remarquons que l'effet de environnement social sur la réussite est en grande partie indirect et qu'il agit par l'intermédiaire des croyances motivationnelles (voir ci-dessous). "Seule l’institution, lorsqu’elle soutient le développement de compétences cognitives, semble avoir une influence directe sur la réussite des étudiants", relèvent les auteurs. Comme nous l'avons signalé, ce facteur devrait donc être un critère de choix utilisé par le futur étudiant au moment où il cherche une Haute Ecole ou une Université proposant la filière d'études qui l'intéresse.

III. Les croyances motivationnelles

Cette catégorie concerne les croyances qui soutiennent et dirigent les actions de l’étudiant. Parmi elles on distingue ses motivations intrinsèque et extrinsèque, la valeur qu’il attribue à ses études, ainsi que ses attentes de succès, mais encore ses croyances d’efficacité personnelle et les buts qu’il poursuit durant ses études. On trouve ici des prédicteurs de réussite très puissants et sur lesquels les étudiants peuvent exercer un réel pouvoir!

Vu que ces facteurs relèvent largement d'éléments d'ordre psychologique et font intervenir la subjectivité, les auteurs ont du tenir compte des différentes constructions théoriques rencontrées dans la littérature. Nous ne les détaillerons pas ici mais pointerons directement les prédicteurs de réussite les plus sûrs:
  • Le sentiment d’efficacité personnelle apparait nettement comme étant l'un des prédicteurs de la réussite en première année d’études les plus importants.  Ainsi, "les étudiants qui ont confiance dans leur capacité à réussir les tâches académiques persévèrent davantage, ressentent moins d’émotions négatives, utilisent plus de stratégies d’études profondes et d’autorégulation et s’engagent plus dans leur cursus".
  • Les buts orientés vers les tâches en tant que telles (buts de maîtrise) sont associés à des comportements, des cognitions et des émotions plus adaptatives et à la réussite dans l’enseignement supérieur.
  • La motivation intrinsèque, qui résulte de la satisfaction des trois besoins suivants: 1) le besoin de vivre des expériences où l'étudiant se sente compétent dans les interactions avec son environnement social et physique; 2) le besoin de vivre des expériences où son authentique moi s’exprime et est la source des actions qu’il réalise; et 3) le besoin d’être connecté aux autres personnes de son environnement direct et de se sentir appartenir à ce dernier. Cette motivation est associée à l’engagement comportemental des étudiants, à leur traitement en profondeur de l’information ainsi qu’à leur réussite dans l’enseignement supérieur.
Ces prédicteurs plus proximaux de la réussite sont donc essentiels. Ils sont également directement associés aux actions qu'ils vont contribuer à déclencher. L'étudiant qui a confiance en lui, qui se fixe des objectifs précis en terme de maîtrise de nouvelles tâches, et dont la motivation est bien nourrie, va plus facilement passer à l'action et trouver des méthodes d'étude efficaces (cf. la dernière catégorie des facteurs de réussite). 

IV. L'engagement

Cette 4ème catégorie est encore plus essentielle pour prédire la réussite d'un étudiant vu qu'elle concerne les actions qu'il met volontairement en œuvre pour répondre aux exigences et attentes de l’enseignement supérieur.

Dans l'approche suivie par les auteurs, l’engagement est considéré comme un processus multidimensionnel mettant en jeu quatre types de mobilisation
  • Affective: Les émotions sont liées aux actions des étudiants, à leurs cognitions ainsi qu’à leur motivation. L’effet direct sur la réussite est cependant difficile à évaluer. Parmi les émotions l'anxiété semble être le prédicteur le plus direct de la réussite: en excès elle a des effets négatifs sur la réussite, alors qu'un peu d’anxiété a des effets positifs sur cette dernière.
  • Cognitive: L'effet direct des stratégies de traitement de l’information est dépendant du contexte d’études. L'exemple suivant est à cet égard parlant: "si l’évaluation des acquis des étudiants se fait au travers de tests ne permettant pas d’estimer la compréhension profonde de la matière, il est logique que l’emploi de stratégies d’études en profondeur ne garantisse pas à l’étudiant une meilleure réussite". Certaines études font ressortir l’esprit critique comme étant un facteur important: il correspond à un niveau élevé de la pensée réflexive se manifestant à travers l'étonnement et la recherche d'informations pouvant expliquer l’origine de cette perplexité (élévation du niveau de compréhension). Cette attitude invite l'étudiant à synthétiser l’information recueillie, à l’analyser, et à l’évaluer en comparant différentes sources. Cette démarche se caractérise aussi par une attention particulière de l’étudiant à l'égard de ses propres croyances et connaissances, à savoir des sources de présupposés pouvant le détourner de connaissances nouvelles. Il devra également prêter attention à la rigueur des raisonnements qu'il utilise pour mettre en place l'édifice cohérent des nouvelles connaissances ainsi acquises.
  • Métacognitive: Les auteurs ont trouvé de nombreuses études menées aux États-Unis et en Europe qui montrent que les stratégies d’autorégulation sont associées à la réussite. Ces stratégies peuvent être subdivisées en quatre dimensions formant une séquence temporelle adoptée par les apprenants lorsqu’ils sont confrontés à des tâches: la planification, l'autogestion, le contrôle et la régulation. L'étudiant qui agit en suivant ces étapes est proactif: il se fixe des objectifs clairs et raisonnables, il est conscient de ses limites et de ses acquis, et il essaye de gérer au mieux ses comportements, émotions et cognitions durant l’apprentissage.  
  • Comportementale: Cet engagement reflète les efforts de l’étudiant durant l’initiation et l’exécution d’une tâche d’apprentissage, autrement dit la quantité d’énergie psychique et physique qu'il investit dans les activités d’apprentissage. Les comportements observés sont: la participation aux cours, l’étude, ou encore l’effort en tant que tel. Il s'agit d'un important prédicteur de la réussite de l'étudiant en fin d'année, et du prédicteur le plus proximal.

Grâce à cette étude fouillée, il est ainsi possible d'identifier les principaux prédicteurs individuels de la réussite de l’étudiant: les stratégies d’autorégulation, les croyances d’efficacité personnelle, et l'engagement. Sur base de ces facteurs, les auteurs proposent des interventions pouvant être mises en place dans l’enseignement supérieur
1) des interventions à l’entrée des études supérieures permettant de pallier les faiblesses de l’étudiant pouvant lui poser des problèmes d’adaptation ; 
2) des interventions durant l’année permettant de soutenir l’engagement de l’étudiant dans son cursus; et 
3) des interventions agissant sur les caractéristiques de l’institution de sorte qu’elles s’ajustent mieux aux besoins de l’étudiant. 

Nous pensons quant à nous que l'étudiant devrait être directement mis au courant de l'existence de tels prédicteurs de réussite, et ce afin qu'il acquière pleinement l'autonomie qu'on attend de lui à cette étape de son parcours. C'est exactement à cette période-ci de l'année (avant le reprise du second quadrimestre) que les étudiants peuvent le mieux, à la fois vérifier la réalité de ces facteurs influençant leur réussite, et en tenir compte pour devenir plus performants aux mois de mai et juin prochains!

Nathanaël LAURENT
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