vendredi 22 mai 2015

Le blocus, une période d'auto-évaluation.

"L’essor de l’autonomie de l’apprenant est indissociablement lié à l’auto-évaluation." (Marlyse Pillonel et Jean Rouiller)

Gérer le blocus: la métacognition avant tout!

Pour la grande majorité des étudiants, le moment est venu de préparer à temps plein les examens qui débuteront d'ici peu. De quoi s'agit-il précisément? Nous parlons bien entendu du "blocus", auquel nous pouvons associer deux fonctions principales: d'une part vérifier les acquis, d'autre part compléter les acquis.

Seul face à ses notes, syllabi, résumés et autres ouvrages de référence, l'étudiant a un objectif bien précis à atteindre: maîtriser ces savoirs, tant théoriques que pratiques. Mais de quels moyens dispose-t-il pour accomplir sa mission?

La plupart des étudiants eux-mêmes répondraient (trop) rapidement à cette question en déclarant: "étudier!", terme fourre-tout qui peut être traduit par "mémoriser". Mais la mémorisation, si elle est envisagée comme une pure activité de répétition (ce qui est le plus souvent le cas), ne mènera pas très loin! Il ne s'agit en effet au mieux que d'une rétention à court terme de l'information, et d'une méthode d'assimilation qui ne résistera pas aux exigences de l'évaluation.

Le blocus peut par contre être envisagé tout autrement. Il s'agit alors d'une épreuve de passage, et ce passage est celui qui mène vers plus d'autonomie. Or, pour acquérir la maîtrise des matières tout en augmentant son degré d'autonomie, l'étudiant doit utiliser un instrument bien spécifique: l'auto-évaluation.

Chercheur à l'Institut Romand de documentation pédagogique, Jean Cardinet présente l'outil d'auto-évaluation comme suit: "C'est le moyen essentiel dont on dispose pour faire passer la connaissance de l'élève d'un simple savoir-faire non réfléchi, purement opératoire, à un savoir réfléchi, permettant d'intervenir consciemment sur ce savoir-faire lui même. Seul cet apprentissage de l'auto-évaluation peut donner accès à l'autonomie, objectif ultime de toute éducation."(1) L'auto-évaluation peut donc être considérée comme moyen pédagogique employés par les enseignants... mais ce que nous proposons quant à nous, c'est d'en faire une méthode de travail à mettre entre les mains des étudiants du supérieur, et ce afin d'augmenter considérablement l'efficacité de leur travail.


Dans un article traitant le sujet, Lise St-Pierre, Professeure associée à l'Université de Sherbrooke, insiste sur la dimension réflexive qu'exploite l'auto-évaluation: "Se distinguant des concepts d’autotest, d’autoexamen et d’autocorrection, l’autoévaluation est plutôt une démarche réflexive, une appréciation, un jugement argumenté."

La particularité d'une telle démarche d'apprentissage est qu'elle fait appel à la métacognition: l'étudiant réfléchit sur sa propre manière de comprendre, de retenir (en organisant), puis de restituer (en verbalisant) l'information. Plus précisément, la métacognition a été définie comme "le regard qu’une personne porte sur sa démarche mentale dans un but d’action afin de planifier, évaluer, ajuster et vérifier son processus d’apprentissage" (2).

A condition d'avoir bien géré son temps, c'est-à-dire à condition d'avoir déjà assimilé une partie des matières avant le blocus (au moins le plan des cours, les informations essentielles et les principaux liens entre les sections, chapitres, parties des cours), l'étudiant peut via l'auto-évaluation se mettre à la place de ce ceux qui vont l'interroger. Ce qu'il faut à tout prix, c'est éviter que l'examen soit la première évaluation: comme toute première fois, ce sera presque nécessairement "pas terrible", maladroit et incomplet. Ce qu'il faut, c'est que l'étudiant - comme l'acteur - fasse des répétitions générales: c'est la seule manière pour lui d'observer ce qu'il fait, comment il le fait, et dans quelle mesure cela permet d'atteindre l'objectif visé (la maîtrise).

Concrètement l'autoévaluation consiste dans un premier temps à se poser toute une série de questions, souvent simples et générales, au sujet de ce qui a été appris (le contenu) : Quel est l'objectif de ce cours? Par quelles étapes passe-t-on pour l'atteindre? Sur quoi faut-il insister le plus? Quelles sont les finalités pratiques de cette matière? etc.

De manière à accéder au niveau de la métacognition qui nous apprend à mieux nous connaître et qui nous permet de devenir plus autonome, d'autres questions doivent ensuite être posées qui concernent cette fois non plus la matière proprement dite mais les moyens mis en oeuvre pour en atteindre la maîtrise dans un temps imparti (le planning!): Qu’est-ce que je visais? Ai-je atteint la maîtrise de la quantité de matière que je m'étais fixée comme objectif? Qu’est-ce que j’ai fait dans la pratique pour y parvenir? Pourquoi ai-je fait comme cela et pas autrement? Quelles conditions ou éléments de contexte ont facilité ou entravé la réalisation de mon travail? etc.

En fin de compte, rappelons que l'enseignement ne vise nullement à transformer les apprenants en les remplissant de savoirs. Ce serait les priver de la possibilité de se façonner par eux-mêmes! Or c'est justement cette occasion de se former soi-même qui est la base sur laquelle peut venir s'appuyer la motivation. Sans motivation pas de curiosité, sans curiosité pas de questionnement, et sans questionnement pas d'étude active nécessaire pour activer la mémoire à long terme.

Chercheurs à l'Université de Fribourg, Marlyse Pillonel et Jean Rouiller soulignent encore les vertus de l'auto-évaluation de la manière suivante: "Se comprendre de l’intérieur, se questionner, permet de dégager des pistes pour ses actions futures." (Cahiers Pédagogiques n°393).


Alors, il ne nous reste plus qu'à souhaiter bon courage aux étudiants auxquels est donnée la chance non seulement d'accéder à cette fantastique maîtrise du savoir, mais aussi à plus d'autonomie!

Nathanaël LAURENT

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(1) CARDINET, J. (1988) : La maîtrise, communication réussie. In : HUBERMAN, M. (éd.), Assurer la réussite des apprentissages scolaires ? Les propositions de la pédagogie de maîtrise (TDB). Paris & Neuchâtel : Delachaux & Niestlé, 155 - 195.
(2) LAFORTUNE, L., et C. DEAUDELIN, Accompagnement socioconstructiviste. Pour s’approprier une réforme en éducation, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 2001, p.37.